Mercredi 27 juin 2018
Une voie bien droite. Puis un changement d'aiguillage abrupt. Médité. Réfléchi. Assistant social, Fränz Jacobs a mis le pied à l'étrier pour créer un département qui va bien au-delà des frontières du Grand-Duché et donne à Caritas Luxembourg une dimension qui s'étend à l'échelle de presque toute la planète.
A chacun son chemin. Pour Fränz Jacobs qui a vu le jour en septembre 1954 à Ettelbrück, la voie semble toute tracée. Après avoir fréquenté le lycée à Clairefontaine pendant 3 ans (où pour la petite anecdote il va côtoyer Jean-Claude Juncker en ignorant -l'un comme l'autre d'ailleurs- que ce dernier serait Premier ministre du pays puis président de la Commission européenne)et puis à Diekirch, il décroche son Bac dans la section économie. Il gagne ensuite un institut de Liège pour trois années de formation. Celles-ci sont complétées par un an de stage de 4e année au Jongenheem pour acquérir les spécificités luxembourgeoises relatives à son diplôme d'assistant social. Il visait une place auprès d'un juge spécialisé dans la protection de la jeunesse. Pas de chance, une concurrente bien pistonnée lui pique le poste à pourvoir et il se retrouve... à la prison comme agent de probation.
Côté cœur, il se marie en août 1978. Côté boulot, il ne sent pas à l'aise au sein du milieu carcéral (agent de probation), au sein d'un milieu répressif et la vision qu'il avait de son métier ne correspond pas à ses attentes professionnelles. Mais coup de bol. En juillet 1980, une ancienne connaissance lui passe un coup de téléphone pour lui annoncer que Caritas Luxembourg est à la recherche d'un assistant social. Il fonce dans la brèche et le voilà dans la place. Avec une première mission à mener à bien, à savoir ouvrir une antenne dans le Nord, très précisément à Diekirch pour répondre aux attentes de la jeunesse défavorisée. Fränz Jacobs est tout imprégné de ce contexte quand il prend part, en 1984, à un séminaire à Cork (Irlande) qui voit la naissance d'une fédération européenne d'associations nationales pour les sans-abri. Il en revient tellement remonté à bloc qu'un an plus tard le premier foyer Ulysse ouvre ses portes dans un bâtiment que l'administration a abandonné rue du Fort Neipperg. 40 lits au rez-de chaussée, une salle à manger, 6 lits pour les femmes à l'étage, quelques bureaux. Un peu rudimentaire mais mieux que rien. En 1986Fränz est chargé du département pour les sans-abri à Caritas Luxembourg. Dans la foulée du foyer de nuit, d'autres structures vont voir le jour dont une maison de la resocialisation, la Teistuff du Rollingergrund, une ferme près de Diekirch qui abrite des sans-logis et propose des activités dans une menuiserie et une buanderie. Début 1992, les logements encadrés commencent à voir le jour. C'est au cours de cette même année, à l'occasion d'une réunion en interne que Fränz Jacobs lance un gros pavé dans la mare. Partant du principe que le Grand-Duché fait partie des pays très riches, pourquoi ne participerait-il pas à la coopération internationale. Sa remarque ne laisse pas insensible et on lui rétorque aussitôt que s'il a les épaules assez solides pour prendre en charge un tel fardeau, il n'y a pas de problèmes. Fränz Jacobs sollicite alors un temps de réflexion, le temps de ses congés. A son retour de vacances, la réponse est affirmative et peut se résumer par « on fonce et je vais gérer ». Tsunamis, tremblements de terre, guerres civiles, aides au développement sur tous les continents, Caritas Luxembourg est présente en Afrique, en Amérique latine au Moyen-Orient, en Afrique et en Asie.
Sur tous les fronts ou presque.
Quand il fait ses débuts dans la coopération internationale, Fränz Jacobs apprend que l'hôpital de sa ville natale est en passe de se débarrasser de sa literie pour la remplacer. Par la même occasion, il apprend aussi par une relation d'origine polonaise qu'un établissement de cet ancien pays de l'Est est en quête de lits. Il organise un transport et les lits d'Ettelbrück accueilleront de nouveaux patients. Question transport, il va encore se surpasser. Pendant la guerre dans les Balkans qui a vu l'ex-Yougoslavie se transformer en plusieurs entités, Fränz Jacobs organise des convois de camions en direction de la Croatie, de la Bosnie-Herzégovine et de la Serbie. Les poids-lourds sont chargés de plants de pommes de terre, d'orge, de froment... Bref de quoi faire repartir l'agriculture dans des pays ravagés par la guerre.
Fränz Jacobs serait-il un globe-trotter? Après avoir rencontré, à Beyrouth, Michel Roy, alors responsable au Secours Catholique pour le Moyen Orient (aujourd’hui secrétaire général de Caritas International), et après avoir développé son réseau de correspondants et entretenant d'excellentes relations avec le ministère des Affaires étrangères luxembourgeois, il va contribuer avec son premier collaborateur dans le département, Dr Michael Feit, à mener la lutte, avec la collaboration de deux médecins de l'Institut de Würzburg, contre une tuberculose multi-résistante dans les prisons de Moldavie. On le retrouvera sur le terrain un peu plus tard à Beyrouth à la fin de la guerre civile au Liban ou en train de participer à la mise en place de maisons low-cost et anticyclonique destinées au Bangladesh. Cette habitation fait quatre mètres sur quatre, elle repose sur une dalle avec un pilier en béton à chaque angle. Le toit se compose de plaques de tôles. Sa façade est en bambou tressé et amovible. En cas de dérèglement climatique et d'inondations, cette maison est à la fois facilement démontable alors que sa structure ne bougera jamais.
Comme quoi, la coopération, c'est aussi beaucoup d'imagination !
Le 30 juin 2015, après trente-cinq années de plus que bons et loyaux services, Fränz Jacobs a pris le chemin de la pension. A l'occasion de son pot de départ, il a fait savoir : et d'un qu'il allait s'adjuger trois mois de congé, et de deux qu'il était près après cette période à reprendre du service comme bénévole à condition que ce soit dans un cadre bien défini. Conclusion, il continue à venir bosser chaque mercredi et à suivre l'évolution de différents projets de développement menés en collaboration avec plusieurs partenaires en Colombie. Histoire d'être bien au courant de ce qui passe, notre homme a planifié une conférence via Skype. Pas de problème, Fränz Jacobs parle couramment espagnol après l'avoir appris lors des cours intensifs, pendant sa pause de midi, au Centre de langues.
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