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Lila Slimani - Respect et modestie

Jeudi 10 décembre 2020

Lila Slimani, psychologue, intervient dans 7 foyers pour réfugiés de Caritas Luxembourg.

Est-ce que vous arrivez à suivre autant de réfugiés ?

Effectivement, c’est beaucoup. Nombreux sont les demandeurs de protection internationale de nos foyers qui sont en souffrance psychique, surtout maintenant avec la Covid-19. Ils sont dans une situation de « standby » incertaine et souvent la vivent comme une agonie interminable. Ceci dit, beaucoup d’entre eux, surtout ceux qui ont pu préparer leur départ, trouvent encore des ressources en eux pour continuer. D’autres trouvent de l’énergie dans leur communauté comme, par exemple, les Erythréens, qui s’entraident beaucoup, même si en ces temps de distanciation, cela n’est plus autant possible qu’auparavant. Ce sont principalement ceux qui ont dû fuir en urgence leur pays, tout laisser derrière eux d’un moment à l’autre, qui sont psychologiquement les plus vulnérables et les moins résistants face aux aléas, comme le Coronavirus. Une autre population qui souffre beaucoup en ce moment de la crise sanitaire, ce sont les mineurs non-accompagnés. Ils se retrouvent encore plus seuls, non seulement loin de leur famille, mais aussi loin des jeunes de leur âge. Pour tous, la pandémie accentue le sentiment de solitude.

Comment travaillez-vous en général?

Les travailleurs sociaux me tiennent au courant de chaque événement majeur qui se passe dans la vie des réfugiés que nous accompagnons, par exemple, s’ils ont obtenu leurs papiers ou si leur dossier a été rejeté. Je sais alors que je dois intervenir, rapidement pour les déboutés, après trois semaines en général pour ceux qui ont reçu leurs papiers.  Ces derniers se retrouvent en effet après l’euphorie de l’obtention des papiers malheureusement dans une autre réalité car ils viennent de rompre définitivement avec leur vie d’avant. De manière générale, j’essaie de les croiser « par hasard » dans le foyer et de commencer une première discussion avec eux pour me faire une idée de leur mal-être. C’est pour cela qu’il est important que je fasse partie du paysage du foyer, qu’ils me voient régulièrement dans les couloirs, etc.. S’ils en ont besoin et s’ils le souhaitent un rendez-vous est alors fixé. 

Avez-vous changé votre manière de travailler avec la Covid-19 ?

Bien sûr, tout ceci n’est pas si évident maintenant avec la crise sanitaire. Pour les personnes que je suis depuis un certain temps, je suis passée à la téléconsultation. Pour les nouveaux qui en ont besoin et surtout pour les urgences, je peux me déplacer dans les foyers dans le strict respect des mesures sanitaires. Dans les trois cas, il est important d’être disponible par téléphone à tout moment.

Est-ce qu’il y a des facteurs qu’il faut prendre en considération lorsqu’on travaille avec des réfugiés ?

 Oui. D’abord, les réfugiés qui arrivent dans nos foyers sont généralement au Luxembourg depuis un certain temps déjà et ont fait parfois deux foyers avant d’être orientés vers les foyers Caritas, qui sont des foyers de « 3ème phase ». Les problématiques ne sont pas les mêmes dans un foyer de premier accueil que dans un foyer de « 3ème phase » et dès lors la symptomatologie de la souffrance psychique est différente. D’ailleurs, cette dernière est d’abord souvent exprimée de manière somatique (maux de ventre, de tête, palpitations…). Notre travail est également influencé par le fait que nous ne savons pas toujours jusqu’à quand les personnes restent au foyer et peuvent venir à nos consultations. Chaque consultation peut être la dernière que nous allons avoir avec eux. Il faut tenir cela à l’esprit. Un autre facteur qui joue beaucoup c’est le fait qu’une grande partie de nos consultations avec les réfugiés se font en présence d’interprètes. Même si les interprètes font un excellent travail, cela joue sur la relation entre le psychologue et son patient et on doit recréer les modalités de l’alliance thérapeutique. Enfin, il ne faut surtout pas sous-estimer la notion d’interculturalité. Les personnes qui viennent me voir ont une culture différente de la mienne et les modalités d’expression de la souffrance sont différentes. Il y a un ensemble de préalables à mettre en place de façon à ce que « la vraie rencontre » ait lieu. Il est important que l’on se comprenne vraiment et qu’on ne les heurte pas. Je suis pour cela toute une série de formations spécialisées en interculturalité et j’essaie de me tenir informée sur le contexte géopolitique dans lequel ils vivaient, sur leurs pratiques religieuses, sur les aspects culturels, etc. Tout est important, mais surtout le respect et la modestie.

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